La Mollusquerie
Des mollusques et des rats, l’association peut vous faire sourire tout comme l’affixe MOL qui y est associé ! Et pourtant on peut vous assurer qu’il n’y a que du sérieux en profondeur. On vous propose donc de plonger dans l’univers de La Mollusquerie pour vous faire découvrir une raterie de mâles pas ordinaire qui se démène pour nous faire naître de gentils loulous contre vents et marées.
Comment t’es-tu lancée dans la reproduction ?
Quand j’attendais que mes 4 premiers rats aient l’âge de l’adoption, je passais le temps en écumant le web sur le sujet. J’ai rapidement fréquenté les forums, découvert les rateries et leurs sites Internet. Ce petit monde avec ses codes, où presque tout le monde se connaît, où les rats ont leur arbre généalogique… ça m’a fascinée ! Je n’avais jamais réfléchi à la reproduction, à ses enjeux, aux connaissances que ça demande, et ça m’a très vite intéressée.
J’ai vraiment voulu me faire une place dans cet univers, en me documentant, en m’impliquant sur les forums ou les groupes Facebook, et puis quand, lors de ma première adoption en raterie, j’ai lu la petite ligne « seriez-vous partante pour que votre rat se reproduise plus tard, dans le cadre de notre travail ? », j’ai pour la première fois envisagé une nouvelle façon de m’engager.
Afin de mieux comprendre comment on pouvait anticiper le phénotype des ratons d’une portée, je me suis aussi penchée sur la génétique.
C’est incroyable, à mes yeux, qu’on puisse calculer des probabilités de couleurs !
Peux-tu nous raconter l’origine du nom de ta raterie ?
Je ne me considère pas vraiment comme une raterie. Être éleveur, c’est d’abord pour moi faire des choix, et je n’en fais pas beaucoup !
Je suis une « aide-raterie », ou comme j’aime l’appeler, une « papa rat ». On en revient à mes 4 premiers rats, adoptés en janvier 2016 : l’un deux, Snape, était un merveilleux rat très câlin, très patapouf, et légèrement rondouillet. Il a eu plusieurs surnoms, dont « Sergent Baleine » (en référence au film Full Metal Jacket), « Le Phoque », et assez rapidement, « Le Mollusque ». De façon plus générale, j’aime bien comparer les rats à des moules sur leur rocher, quand ils ne sortent pas du hamac, même pas pour faire leurs besoins… Ou encore quand ils s’accrochent aux barreaux très fort pour ne pas qu’on leur
donne leur médicament. Bref, le nom me plaisant, j’ai fini par appeler ma troupe La Mollusquerie. Je leur ai également créé une page Facebook, pour arrêter de spammer mes contacts pas spécialement fans des rats !
Je suis également une amoureuse des côtes bretonnes, des marées, de l’estran, et de toute la faune qu’on y trouve. Ces animaux sont totalement
fascinants ! J’avoue que je rigolais aussi beaucoup à imaginer l’affixe MOL.
Quels sont les avantages d’être une raterie de mâles ?
Il y en a tellement ! Je vais essayer de résumer. L’avantage d’être une raterie non raterie, ou un papa rat, c’est justement de ne pas avoir à prendre la plupart des choix difficiles. Je m’intéresse aux plans des autres, parfois on me demande mon avis, mais je suis plutôt contente de ne pas avoir à les créer, puis à les adapter, réadapter, en fonction des échecs et des réussites. Je ne prends pas de risque, ni dans mes choix, ni en gérant les mises bas. Évidemment, je ressens avec beaucoup de tristesse les coups durs des rateries que j’aide, mais ma position reste bien plus simple à tenir. J’organise en général les saillies, et je suis très contente d’accueillir la future maman et sa chaperonne à la maison. ça me permet de découvrir les femelles, et puis de commencer la courbe de gestation, qui est un moment très excitant ! Ça permet également d’avoir un petit lien avec la maman des futurs mollusquons. Généralement, la raterie partenaire m’informe énormément de la fin de la gestation, de la mise bas, et je reçois plein de photos et de vidéos exclusives des ratons. Nous choisissons généralement ensemble le thème de portée, et c’est vraiment très fun de baptiser les petits !
Quand j’adopte, c’est aussi évidemment le plaisir de choisir mon petit Mollusque… Plaisir à double tranchant : c’est extrêmement difficile de n’en choisir qu’un, voire de ne pas adopter !
Il y a aussi le sentiment de créer sa famille ratounesque, et de voir les descendants envahir le monde.
Et pour finir, les relations humaines : j’ai rencontré plein de monde grâce aux rats. Je me suis fait des amies, et c’est précieux pour surmonter les coups durs, ou à l’inverse pour apprécier les bons moments qu’implique la reproduction.
Comment s’organise une portée commune ?
Parfois ça s’organise longtemps à l’avance, parce que le papa est sélectionné tôt. D’autres fois c’est à la dernière minute ! Ça commence toujours par une discussion entre l’éleveuse du papa, l’éleveuse de la maman, si c’est une personne différente, et moi, afin de s’assurer que tout le monde est d’accord avec la portée. C’est à ce moment qu’il faut discuter de tout ce qui nous semble important : est-ce que je veux adopter un futur reproducteur ou pas ? Si non, est-ce que je veux bien choisir mon raton en 2ème ? Comment se partage-t-on les frais de 5 covoiturage pour les saillies ? Pourrais-je venir voir les petits avant l’adoption ? Comment choisirons-nous les adoptants, etc. Je préfère que les femelles se déplacent : souvent leur réintégration à la troupe est plus simple que pour les mâles, et puis gérer les saillies me permet de m’impliquer encore plus. Une fois à la maison, si je sens la future maman pas trop stressée (jamais jusqu’à maintenant !), je tente une première rencontre le soir. Les chaleurs spontanées sont fréquentes. À chaque fois, j’ai dû mettre le couple dans une cage pour que le mâle trouve le mode d’emploi. À découvert, ils sont timides !
Ensuite, je conseille de mettre un bon programme TV, et de sortir chips et boisson, car la soirée risque d’être longue !
Je garde la femelle jusqu’à être sûre de la gestation, en général 14 jours. Pendant ce temps, je commence la courbe de poids, et puis je profite de découvrir la maman et sa chaperonne ! J’ai toujours eu à la maison des rates avec un gros caractère, drôle, humanophile. Un bonheur ! Quand je peux, ’aime les ramener moi-même chez elles, et ne pas faire appel à un covoiturage : ça me rassure, et puis me permet de voyager un peu, de rencontrer IRL des ratouphiles.
Est-ce que l’envie d’avoir tes propres femelles et portées t’a effleurée ?
Bien sûr ! J’ai même fait des prévisions à long terme, pour savoir si je pourrais avoir deux troupes sans dépasser un certain nombre de rats. J’y ai régulièrement pensé pendant plusieurs années. Mais je tiens vraiment au confort de n’avoir qu’une troupe : une seule cage à nettoyer, ne pas abandonner la semiliberté, partir plus facilement en vacances, limiter les frais vétérinaires…
Et puis j’ai été refroidie par beaucoup d’événements : des rates qui ne survivent pas à la mise bas ou des adoptants qui disparaissent dans la nature, par exemple. Il y a un an, on m’a offert la chance de gérer une portée de A à Z à la maison. Malheureusement, ça n’a pas pu se faire : le premier papa prévu est mort de façon brutale, et le second, toujours un des miens, a développé des soucis respiratoires, comme toute ma troupe. Le projet a donc été abandonné, et depuis, je n’ai plus vraiment envie de gérer une portée. Je suis vraiment comblée par mon rôle de papa rat. J’aimerais juste toucher et renifler un raton de quelques jours, une fois !
Est-ce qu'il y a des inconvénients à être Papa ?
Ne pas voir et pouiller tous les jours des minis Mollusques !
Quand on s’implique vraiment dans une portée (choix et suivi des adoptants), on vit évidemment aussi les déconvenues des rateries : les adoptants peu sérieux, qui freinent l’appel au vétérinaire, voire qui disparaissent sans donner de nouvelles des rats. C’est vraiment difficile à vivre.
Parfois, tenir ses engagements s’avère un peu compliqué : je suis dépendante du calendrier des rateries, puisque les femelles ont une courte fenêtre pour la reproduction. Cela ne tombe pas toujours bien pour moi, dans une période où j’ai par exemple beaucoup de travail. Mais je prends sur moi : je ne voudrais surtout pas faire faux bond à mes partenaires.
Et puis au final, je suis toujours très contente qu’une portée se fasse !
En plus d’être raterie de mâles, tu as une passion pour les mélanges maison, peux-tu nous en dire plus ?
J’aime beaucoup mélanger les ingrédients à pleines mains ! J’aime aussi le jeu de trouver un équilibre entre les ingrédients. Avant de pouvoir acheter des Teklad, qui conviennent très bien à ma troupe, les alternatives offertes ne me convenaient pas. J’ai fini par acheter l’excellent The Scuttling Gourmet, d’Alison Campbell, sur la nutrition du rat et la confection des mélanges maison. Il est en anglais, mais comme c’est un livre de vulgarisation, il reste assez simple à lire. C’est bien écrit, avec des petites touches d’humour. Et la somme de connaissances et de conseils pratiques est immense !
J’ai créé grâce à ce livre mon propre calculateur sur un tableur (s’il intéresse quelqu’un, on peut me le demander par MP sur SRFA), plus complet et pratique que les calculateurs en ligne. Plus complet parce que j’ai ajouté le calcul du taux de sucre, le prix de revient, la part des ingrédients en volume, et non en grammes, et le calcul de volume des catégories d’ingrédients.
Plus pratique, parce que je n’ai pas besoin de rentrer tous les ingrédients à chaque nouveau calcul ! Et puis j’ai grandement amélioré mon mélange. Il n’est sans doute pas parfait, mais j’en suis satisfaite. Aujourd’hui, j’ai ajouté les Teklad à leur alimentation, mais je tiens à garder une proportion de mélange : les rats sont des fins gourmets, ils ont leurs préférences en matière de goût, de texture… D’ailleurs je leur donne tous les soirs une mini ration de frais, pour compléter tout ça.
Et puis tu as une grande inventivité pour enrichir leur espace de sortie. Peux-tu nous présenter tes réalisations ?
Ce sont les Mollusques, les créatifs ! Ma troupe est vraiment très active : je ne me suis jamais retrouvée dans la légende du rat mâle patapouf qui sort 10 min puis s’endort dans un coin. Si je ne leur apporte rien d’enrichissant ou de nouveau, ils vont chercher à se distraire autrement : ronger la fenêtre en bois, tenter à tout prix de s’évader de leur espace (ils sont en semi-liberté dans une partie du salon), etc. Ils aiment beaucoup les tuyaux, escalader, fouiller, renifler des nouveautés. En été, j’aime beaucoup leur mettre à disposition une piscine. Au récupéré des jouets d’enfant en vide grenier : des garages en plastique, des bateaux, des cabanes. J’achète régulièrement des choses à ronger. Je coupe du bambou dans le jardin : ils adorent escalader les branches, ronger les feuilles. J’ai aussi remarqué que mes rats avaient souvent besoin de temps pour adopter certains objets : j’avais rapidement laissé tomber les cordes à perroquet, parce qu’ils ne les utilisaient pas. Et puis un jour, j’en ai remis, et j’en ai remis beaucoup : maintenant ils jouent beaucoup à « rat perché » !
Et puis pas besoin de faire compliqué : parfois, ajouter juste un petit carton avec une odeur nouvelle, ça les occupe deux heures.
Une autre corde à ton arc est la réalisation de courbes de croissance. Peux-tu nous présenter un peu ton travail ?
Rien de sensationnel : j’aime juste beaucoup les chiffres, les statistiques, les courbes. Depuis mes 4 premiers rats, je les pèse tous sans exception chaque semaine. Les années passant, ça me fait une petite base de données permettant de faire des moyennes, je trouve ça intéressant. Je conseille d’ailleurs à tout le monde de les peser au moins tous les 15 jours : nos rats sont très forts pour cacher des soucis de santé, et une perte de poids peut être le premier symptôme visible d’une maladie.
Une autre passion liée aux rats (on me souffle les photos en gros plans) ?
En gros plan ou pas, oui. Je n’ai malheureusement pas d’appareil photo, je fais tout avec mon portable. Mais j’aime tellement les détails qui font nos rats : le dessin délicat du museau, les sourcils en tire bouchon, les dents qui bougent pendant le creucreutement, les petites pattes avant de dinosaure, la plante des pieds, les petites taches de couleur sur le ventre… J’ai des dossiers photos thématiques sur mon ordi ! Ces animaux sont des petits chefs-d’oeuvre. J’ai dernièrement acheté un objectif macro pour téléphone portable (un gadget sans prétention qui coûte 25 euros), et je trouve ça pas mal du tout !
Quels seraient tes conseils pour bien se lancer en tant que raterie de mâles ?
Avant les conseils, une incitation : devenez papa rats ! Beaucoup de rateries ont besoin de partenaires sérieux. Notamment celles qui n’ont que des femelles. Et c’est un tel bonheur de participer à l’aventure sans tous les risques et les contraintes de tout gérer. Mon conseil : bien se mettre d’accord dès l’adoption, et juste avant les saillies, évidemment.
Et ne pas hésiter à demander à s’impliquer un maximum quand on en a envie : dans le choix des adoptants, la tenue des topics sur les forums, poster les photos des ratons, etc…
Pour finir : tenter de faire accepter les pires thèmes de portées !
Texte : Tani. Photos : Loulou.
