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DTC-DHP Super Timor


Artefact

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Super Timor était un acrobate. D'improbables vrilles au bord des barreaux en cavalcades folles sur le radiateur, il n'a chuté qu'une seule fois dans sa vie. Mais cette fois-là, il a salement esquinté quelque chose dans son dos. Super Timor ne fera plus jamais ses petits bonds. Super Timor a été accompagné aujourd'hui par Super Véto pour son dernier voyage, là où les disques intervertébraux ne s'abîment jamais, la où les moelles épinières sont en béton armé, et où les domestiques humains abondent.

 

Super Timor n'était pas prévu au programme : ils étaient déjà 6 dans la troupe. Je n'avais, alors, jamais "craqué", jamais dépassé l'effectif que je m'étais fixé. Je n'étais pas au programme non plus : la portée était déjà née, les adoptants déjà nombreux. Mais j'ai craqué. Et j'ai tenté ma chance. Et attendu mon tour. Et au fil des photos, je savais que c'était LUI que je voulais, et espérais secrètement que personne ne le choisirait. J'avais mes chances, lui noir parmi les bleus, berkshire parmi les fléchés et étoilés, mais j'avais peur aussi de ne pas être la seule à remarquer que c'était le plus beau ! C'était lui.

 

Et c'est bien lui que Limë m'a apporté à la gare Montparnasse, une froide journée de novembre. Il était petit, si petit, tellement petit ! Et tellement, déjà, sa bouille à lui. Bien sûr, des deux heures de train jusqu'à Rennes, il n'a pas passé une minute dans la boîte de transport, mais bien tout le voyage dans mon cou, dans mon écharpe. Il m'a adoptée, comme je l'avais déjà adopté en le désirant si fort.

 

Super Timor était trop petit pour être intégré tout de suite, Limë me l'avait confié jeune pour finir doucement sa sociabilisation avec un adulte cool. Ce fut Nikopol, mon doux délicat, qui lui apprit quelques rudiments, et qui, même après l'intégration, le trimballait encore avec lui partout en le portant délicatement par la peau du cou. Peut-être avec un peu trop de tendresse d'ailleurs, cet apprentissage, car il ne sut jamais vraiment se soumettre, et fut par la suite un chef incontesté et parfois un peu tyrannique, je dois l'avouer... Peut-être aussi parce que nous humains ne savions pas lui résister, ne savions rien lui refuser. Ses goûts de luxe : un jour, il a dédaigné le fromage du supermarché, nous regardant comme si on l'insultait de lui proposer ça, ramenant précieusement ensuite le fromage du vrai fromager ! Super Timor fut l'enfant chéri, l'enfant gâté à qui l'on passait tout, tellement tout qu'il en a acquis quelques droits dont les autres bénéficient aujourd'hui... Super Timor, héros des droits des rats !

 

Son intelligence, sa vivacité, sa capacité à être partout en même temps et surtout avec nous, à réclamer l'attention, sa bouille de "regarde-moiiiii", son espièglerie, son unique façon de se déplacer par petits bonds, son agilité... tout nous a conquis, nous a emportés si vite. Nous l'accusions en riant de contrôler notre esprit, c'est devenu une blague récurrente : les pouvoirs psychiques de Super Timor ! Un regard vers lui pendant le repas et nous cédions pour une friandise. C'était le préféré de tous. Il arrivait à être le préféré de ceux qui ne l'avaient jamais vu, comme la pharmacienne, à qui j'avais décrit toute ma troupe et qui m'avait répondu "oh le noir... il doit être BEAU !".

 

Et pourtant son fort caractère n'a pas toujours été facile pour les autres : sans les blesser ou les violenter, il était tellement le Roi, qu'il pouvait en devenir tyrannique. Alors nous avons voulu lui apprendre à être plus cool avec les autres, mais c'était dur, après lui avoir tout cédé. Pourtant, il a compris. La simple évocation du mot "mitard", la boîte à chat où il était puni 10 minutes quand il était trop casse-pieds, suffisait ensuite à l'arrêter en plein élan. (Et, du mitard, la pire vexation n'était pas d'être enfermé, c'était qu'on ne le regarde pas, quand on tournait la porte vers le mur : ça, c'était vraiment LA punition). On l'a vu, à ce mot de "mitard", faire un détour pour ne pas s'approcher d'un autre qui risquait de couiner pour le faire punir. Il le faisait pour moi. Parce que je lui demandais. Il luttait et gagnait contre son propre instinct, parce que je lui avais demandé de le faire.

 

Il a appris à manger dans l'assiette ce qui tache le canapé, et qu'il pouvait emporter ce qui ne tache pas. Un spaghetti bolognese : dans l'assiette, un spaghetti nature : où tu veux. Il a suffi de remettre le spaghetti bolognese deux fois dans l'assiette tandis qu'il l'emportait : la troisième fois, il a mangé dans l'assiette, et toutes les fois ensuite. Il a appris le sens du mot "partager". Devant une coupelle de friandises, il aurait tout pris ; mais un "Super Timor : tu partages !", et il laissait les autres accéder au trésor. Combien d'humains n'ont toujours pas appris le sens du mot "partager", après des décennies ?

 

Alors l'idée s'est imposée qu'il serait un crime de ne pas reproduire un rat aussi parfait, aussi exceptionnel, tellement important dans notre vie. Ca non plus, ça n'était pas prévu au programme. Mais en discutant, au fil des projets avortés, des comparaisons entre frères, ce droit-là aussi il l'a gagné. J'ai voulu faire bien. J'ai cherché, creusé. Une longue histoire qui mériterait son propre post... Super Timor est parti à Lausanne par un improbable covoiturage. L'histoire de rats s'est tristement terminée, mais j'y ai gagné une belle histoire humaine, l'amitié précieuse de Nayan. J'ai cherché une autre fiancée. Il en aura bien profité, le Timor ! deux gonzesses pour lui ! Une grosse frayeur aussi, la saillie reportée pour une vilaine pneumonie. Nous avons cru le perdre. J'en ai même acheté une machine à aérosol, prête à tout pour le sauver. Il s'est remis comme une fleur, et n'a plus jamais éternué de sa vie. Il nous a fait quatre super-féériques dont deux sont à la maison. Il avait 21 mois et lui en aurait donné moins de 12, il gambadait avec tant de vigueur et de verdeur que c'est la petite Fae qui a demandé grâce !

 

Il ne vieillissait pas. Aussi, il était si facile de croire qu'il était immortel ! Je lui chantais "sa" chanson et le texte s'imprégnait : Super Timor est encore plus fort... au départ une blague, qui finalement lui était chevillée au corps. Super Timor est là ! Le numéro 1. Dès les premières notes, il soulevait la tête, il savait que ça parlait de lui !

 

Et puis, cet incompréhensible accident. Du jour au lendemain, ramolli de l'arrière, traînant. Nous pensons à un coup de chaud, le volet resté levé une journée très ensoleillée. Le véto de garde consulté en toute hâte le dimanche parle d'embolie cartilagineuse. Traitement, isolement, Super Timor abattu de ne pouvoir se laver, lui maniaque de l'hygiène, nous inquiets de ne trouver aucune crotte dans sa cage de convalescence... L'émerveillement crétin devant le premier caca : ce qu'on aura pas fait !! Surveiller les progrès... D'abord du mieux, presque spectaculaire, mais qui ne dure pas. Puis moins. La galère des dosages de cortisone. L'évolution clinique qui donne un autre diagnostic : hernie discale, on opère chez le chien, mais pas chez le rat. On met en place un traitement de fond, on veille à sa qualité de vie. Il s'ennuie seul, on le remet avec les autres en craignant une vengeance, mais l'harmonie est retrouvée dans la cage, tout va bien. Les pattes, ça va ça vient : on installe tout au rez-de-chaussée, je lui fais sa toilette, lui gratte les oreilles. Il n'aime pas ne pas pouvoir le faire seul, et en même temps quand c'est fait, il montre que ça lui a fait du bien. Mélange de fierté, de soulagement que ce soit fait, de contentement d'avoir ses humains aux petits soins. Il ne fait plus ses petits bonds, mais sa tête est bien là, ses yeux bien vifs. S'il n'y avait pas cette mort insidieuse dans la mollesse de ses pattes, il aurait l'air encore si jeune...

 

On savait que ça ne durerait pas éternellement. Le traitement n'était que palliatif, ne supprimait pas la cause, et il avait ses effets secondaires. Perte de poils par poignée, Super Timor qui maigrit, maigrit encore, qui essaye encore de se gratter l'oreille, la patte arrière vibrant vaguement dans le vide, la tête penchée attendant la gratouille de la patte qui n'arrive pas... C'était si déchirant à voir ! J'ai tout fait à sa place, tant qu'il montrait joie de vivre, appétit, moments de bonheur. Son bonheur suprême était de dormir entre son humaine et son humain, qu'il voie que nous étions encore deux là pour lui.

 

Hier, il a refusé de manger, pour la première fois de sa vie. Les signes neurologiques se sont aggravés. Il tournait en rond, il avait mal, il m'a repoussée lors du rituel calin. J'ai compris, j'ai su qu'il était au bout, qu'il me demandait mon aide pour la dernière fois. Alors, on a pris le maudit rendez-vous. Parce qu'on a beau être pour l'euthanasie, quand on est devant, c'est pas pareil. Mais on le fait, et pas que par principe. Parce que le lien d'amour mérite ça. Ce soir à 19h, j'ai fait partir Super Timor pour son dernier voyage.

 

Il me manque déjà tant, mais je ne regrette rien de ma décision. C'était le dernier geste d'amour que je pouvais avoir pour lui. Je suis heureuse de l'avoir rencontré, connu, d'avoir partagé ses jours, de lui avoir fait une vie la plus douce possible. Je crois n'avoir pas trop failli. Malgré le chagrin, je ne regrette pas une minute passée avec lui.

 

Merci Limë de l'avoir fait naître, de m'avoir accordé ta confiance pour prendre soin de lui, de m'avoir donné la chance de pouvoir prendre soin de lui. Super Timor était exceptionnel. Ce n'est pas mon premier rat ni mon premier rat à mourir, mais il m'a offert une tranche de vie spéciale, et son départ est spécial. Il rejoint Kubrick au palmarès des plus belles rencontres, des plus gros trous dans mon coeur.

 

Et merci une deuxième fois pour avoir pris ces jolies photos dont je soupçonnais qu'elles seraient les dernières, et qui sont tellement belles et tellement lui.

 

IMG_7322.jpg

 

Et parce que c'était lui aussi, parce que c'est l'histoire de son nom et aussi quelque chose qui restera éternellement en nous comme attaché à lui... parce que la vie est quand même une vaste blague et que les sourires qu'il nous a offert sont infiniment plus importants que la peine de ce soir, et puis ce serait vraiment trop triste sans ça !

 

 

Adieu Super Timor. Il y a plein de potes à toi, là-haut, les 6 qui étaient là à ton arrivée et qui sont partis avant toi, et tes petits angelots suisses qui t'ont préparé le chemin, et tous les autres que tu émerveilleras. En plus, grâce à toi, ils vont enfin être débarrassés des insectes sur le nuage de gruyère (parce que ça, on en parle jamais hein !!)

 

Après toi, je serai peut-être la seule personne sur terre à avoir envie de pleurer en entendant ton nom, et je sais que tu étais assez intelligent pour comprendre ce que ça veut dire.

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Au revoir Super Timor... Ta fille te ressemble tellement sur cette photo, avec cette couleur noire intense !

Je n'ai malheureusement pas eu l'occasion de te voir en vrai, ta maladie express de cet été ayant déjoué tous nos plans, mais malgré ça ça me fait tout drôle d'apprendre que tu es parti rejoindre le nuage de Gruyère... Veille bien de là-haut sur tes humains, tes fillots et tes frangins/frangines restant !

:calin: Artefact...

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Bon voyage Super Timor!

 

Quelle chance j'ai eu de t'avoir connu, d'avoir pu partager quelques semaines de ta vie. Il n'a fallu que quelques minutes pour que je tombe sous ton charme. Faut dire que tu n'y es pas allé de main morte pour me séduire! Léchouilles, looooooongues séances de papouilles et même un adorable dodo complètement détendu contre moi... Et quel caractère aussi! La cuisine n'était pas à la hauteur chez moi, et tu boudais ce que je te préparais pour le souper. Mais je crois que ça t'a plu quand même d'être le roi aussi chez moi. Normal, tu n'avais pas pu être accompagné par un copain, alors tu avais le privilège de passer tes soirées avec nous sur le canapé, ce qui est refusé à mes puces, et tu m'avais tout à toi pour passer le temps, et en plus tu pouvais t'amuser avec une mignonne jeunette. Et en plus tu m'a donné de connaître Artefact, et c'est aussi une belle histoire humaine!

 

:calin: Artefact

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Bouh mon Super T_T

 

Tu a eu LA vie, celle parfaite ou tu rencontres LES humains. Tu ne pouvais pas tomber mieux et je ne peux que remercier Artefact pour tout ce qu'elle a pu t'offrir. Continue à etre Super la haut, en tout cas ici personne ne pourra t'oublier.

 

je suis contente d'avoir pu te voir une derniere fois, meme si ca devient un peu une mauvaise blague le "voir Limë et mourir!!"

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  • 3 semaines après...

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