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Euthanasier ou laisser mourir : une réflexion éthique et philosophique


Artefact

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J'ai toujours été pour l'euthanasie. Tant pour les animaux, d'ailleurs, que pour le choix à "finir sa vie dignement", comme on dit, chez l'humain. J'ai toujours réconforté les personnes ici qui s'interrogeaient sur l'euthanasie de leur animal, leur disant (et ça n'a jamais été une formule, ça a toujours été sincère), que c'était un geste d'amour, le dernier geste d'amour que l'on pouvait faire pour son animal qui souffre. J'ai toujours espéré que, d'ici à ce que j'y suis, la loi aurait évolué pour me permettre, à moi, de dire "stop" le jour où je le voudrais.

 

Aux questions qui étaient posées ici sur l'euthanasie d'un rat, je répondais : c'est l'envie de vivre qui compte, s'il mange, s'il se lave, il veut vivre ; s'il souffre, l'euthanasie est le bon choix, il faut "soulager", "abréger la souffrance".

 

J'ai toujours dit : le choix t'appartient, tu connais ton animal, tu es le mieux placé pour savoir s'il veut encore vivre ou pas, s'il est temps de l'aider ou pas.

 

J'ai aussi dit, souvent, que les animaux avaient cette chance que nous humains n'avons pas encore (en France en tous cas) de pouvoir être soulagés d'une longue agonie, que c'était une chance.

 

L'accompagnement de mon Croquenote sur la fin de sa vie m'a ébranlée plus que je ne l'aurais pensé sur ce point. Cela fait plusieurs mois qu'il s'est éteint, mais je crois que cela a déclenché un questionnement important chez moi, qui est toujours bien vif, et que j'ai envie de partager avec vous.

 

Croquenote était un rat âgé, et extrêmement diminué par le vieillissement. Pour autant, il montrait de la joie de vivre, et ne montrait pas de souffrance. J'aurais pu le faire euthanasier trois mois, deux mois, un mois avant sa mort, jugeant que sa vie n'était pas "digne" : je le nourrissais, le lavais, le torchais, il n'avait plus aucune autonomie. Les gens qui l'ont vu se sont tous, je crois, demandés pourquoi je ne le faisais pas "piquer". Je pense que je me le suis demandé moi-même. Mais, pour un tas de raisons, j'ai choisi de l'accompagner jusqu'à son dernier souffle. Jusqu'aux dernières heures de ce temps épais, où l'inéluctable est une certitude, et qui doit pourtant passer, s'écouler, avec sa viscosité ; sans être accéléré, sans être abrégé. Et quand j'évoque ce souvenir, j'ai un sentiment extrêmement fort : d'avoir été là, d'avoir, encore, partagé le temps, éprouvé chaque émotion ; d'avoir été ensemble, sans détourner le regard, sans chercher à accélérer les choses, un sentiment d'une présence l'un à l'autre extrêmement aigu. D'avoir accepté son départ, sa mort ; non pas quelque chose de ponctuel, mais comme un processus, dont je n'ai pas détourné les yeux, que je n'ai pas fui, un "être ici et maintenant", inéluctable et assumé, et qui devait se dérouler ainsi, en pleine conscience.

 

Et je revis chaque départ (j'ai perdu 19 rats) à l'aune de ce temps que j'ai choisi de leur consacrer ou pas : suis-je allée trop vite ? de quel droit ai-je jugé, à leur place, de ce qui était acceptable ou pas, en terme de "dignité", de souffrance ? est-ce vraiment pour eux, ou pour moi, que j'ai choisi l'euthanasie ? pour échapper au spectacle de leur déchéance ? pour ne pas avoir à contempler cet avatar de ma propre finitude ? ou vraiment pour leur éviter quelque chose (mais quoi ? quelque chose qui m'effraie moi-même, ou quelque chose dont je ne veux pas pour eux, investie de la mission de prendre les décisions à leur place ?)

 

Je revis chaque départ et je me demande : n'ai-je pas fui ? n'ai-je pas pris cette décision d'abord pour moi ? n'ai-je pas précipité les choses ? n'est-ce pas un moyen tordu de ne pas accepter la mort telle qu'elle est ?

 

Alors que je disais que l'animal avait la chance de pouvoir être euthanasié, j'ai espéré pour Croquenote qu'il parte à la maison. Qu'il parte quand le moment serait venu, et pas le moment dont moi j'aurais décidé. Pas un instant je ne me suis demandée si c'était mieux de le faire euthanasier ou d'attendre qu'il parte, c'était une conviction profonde et inexplicable, qu'il devait s'éteindre chez nous. Le jour de sa mort, j'ai vécu chaque minute intensément, lui contre mon coeur, ma peau nue, sachant qu'il était en train de partir, sans doute possible, le sentant glisser. Et j'étais persuadée que c'était le mieux pour lui, pas pour moi mais pour lui, et je n'ai pas souhaité que ça aille plus vite ; je n'ai pas pensé à l'après, j'étais là, juste là, dans une instantanéité très aiguë, très vivace. La mort n'est pas un instant : c'est un processus. Qui prend parfois du temps. Quelque chose que nous ne voulons pas voir, pas vivre. Nous avons rejeté la mort ailleurs, à l'hôpital, hors de nos maisons, dans l'idée que "pouf, l'instant d'avant on est vivant, l'instant d'après on est mort". La mort est plus que jamais taboue dans nos sociétés. Et nos animaux nous la renvoient.

 

Finalement, en quoi accompagner son animal dans la mort est plus ou moins charitable que lui donner la mort ? Comment pouvons-nous décider qu'abréger est mieux qu'accompagner ?

 

Qui d'autre que le sujet lui-même est en droit de décider de ce qui est digne ou pas ? et n'est-ce pas profondément spéciste, égoïste, imprégné de nos propres peurs, de penser que nous pouvons en décider à la place de quelqu'un d'autre ?

 

Je pense à beaucoup de mes rats que j'ai choisi de faire euthanasier. Je n'ai pas de regret. J'ai toujours pris la décision en pleine conscience et conviction, pour la plupart d'entre eux j'étais persuadée d'avoir fait le bon choix, choisi le bon moment. Pour quelques uns, je me suis demandée si ce n'était pas trop tard, mais je ne m'étais jamais demandé si ce n'était pas trop tôt. Pour autant, je me demande, vraiment, ce qui m'a poussé à les faire euthanasier : un pur amour ? un confort ? pour qui ? le souhait de leur éviter quelque chose, ou de m'éviter le spectacle de ce quelque chose ?

 

Est-ce que le fait que nous faisons euthanasier nos animaux avec amour, par amour, nous dédouane de la responsabilité morale d'avoir ôté la vie ? Est-ce que nous ne savons pas attendre la mort, et vivre ce temps d'attente en pleine présence avec ceux que nous aimons ?

 

Est-ce que le fait qu'il n'y ait plus aucun espoir rend caduque toute valeur au fait d'être vivant ? à partir de quand ? Est-ce que "respecter la mort", c'est quelque chose qui a du sens ?

 

J'ai le souvenir de Croquenote calé contre moi, dans mon pyjama, cette certitude qu'il partait sans savoir quand ; et sans l'obsession de savoir s'il était mort ou vivant, d'ailleurs. L'importance d'être là, avec lui, dans l'instant, et que le temps que cela prenait avait aussi de la valeur. Une épaisseur. J'ai aussi le souvenir difficile de Backup rendant son dernier souffle après une semaine de soins et de souffrance, et malgré tout, l'apaisement d'avoir été là avec lui, qu'il n'ait pas été seul, et que chaque seconde ait eu un poids, une valeur toute particulière. Et je me demande si l'euthanasie n'est pas, d'une certaine manière, toujours une précipitation. Une fuite, une pudeur sur le temps que prend la mort et que nous ne voulons pas voir, une lâcheté de n'être pas prêt à accompagner, être là quoi qu'il arrive, une décision que nous n'avons pas le droit de prendre sur un autre être vivant, même avec les meilleures intentions du monde.

 

Je n'ai pas changé d'avis, rationnellement parlant, je ne suis pas devenue "contre l'euthanasie". Mais je pense que je l'envisagerai différemment, et je me pose beaucoup de questions sur les raisons, les droits que nous avons pour décider d'euthanasier nos animaux. Ce que nous perdons, ce que nous manquons, ce que nous fuyons en le faisant.

 

Et Croquenote me manque, et beaucoup d'autres me manquent aussi - parfois avec plus de douleur, et moins de douceur que pour Croquenote. Je ne regrette pas de leur avoir offert une mort que je continue à considérer comme miséricordieuse. Mais je regrette, peut-être, de ne pas avoir respecté leur mort, le temps de leur mort ; de ne pas les avoir pleinement accompagnés, et de ne pas avoir toujours ce sentiment d'avoir été, vraiment, là pour eux jusqu'au bout.

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Bon, ça sera probablement un peu court et un peu froid pour un débat qui mériterait plus, mais il est tard alors je vais rester assez brève :) :

 

Quand on évoque l'euthanasie, on se demande souvent de quel droit décidons nous pour eux ?

De quel droit décidons nous qu'il est temps pour eux de partir, que leur vie ne vaut plus le coup d'être vécue ?

 

Moi, j'aime renverser la question dans l'autre sens. Quand nous n'euthanasions pas un animal, de quel droit décidons nous de le maintenir en vie ? Qu'il n'est pas temps pour lui de partir, que sa vie vaut encore le coup d'être vécue ?

Ne pas euthanasier, c'est aussi prendre une décision. Un animal totalement grabataire en captivité ne survit que parce que nous avons décidé de le maintenir en vie. Ce même animal, dans la nature, ne survirait pas aussi longtemps, rien qu'à cause de la prédation et de l'incapacité à trouver sa nourriture lui même. Ce sont donc nous qui, en lui prodiguant des soins de nursing, lui permettons (ou l'obligeons ?) de rester en vie, de manière totalement artificielle.

 

C'est exactement le même problème avec un patient en état végétatif, hors d'état d'exprimer sa volonté. Quoiqu'on fasse, qu'on le maintienne en vie ou qu'on lui donne la mort, on décide pour lui. Dans un sens, comme dans l'autre.

En ce qui concerne le désir ou non de vivre, les animaux sont presque hors d'état de nous exprimer leur volonté. On s'attache à de petits signes pour se dire s'ils veulent encore vivre ou non (est ce qu'il mange encore de lui même ? est ce qu'il cherche encore à sortir de sa cage ?), mais pour moi ça ne veut pas dire grand chose. Comment savoir si un animal ne cherche plus à s'alimenter et à sortir parce qu'il n'en a plus la force, ou parce qu'il ne "veut" plus ? Un animal, autre que l'homme j'entends, est-il seulement capable de savoir s'il veut vivre ou mourir ? Ou réagit seulement par instinct, faisant toujours le maximum de ce que son organisme lui permet encore de faire ? Je ne nie pas l'intelligence des animaux, en revanche, j'évite de leur attribuer systématiquement notre façon de penser : il se trouve qu'à l'heure actuelle, après avoir vu mourir des dizaines de rats, je ne suis pas vraiment convaincue de leur capacité à envisager la mort comme un choix.

 

Endosser la responsabilité de choisir pour un autre, c'est compliqué, mais à partir du moment où on maintient un animal captif, on le fait au quotidien, pour tout. Il est donc logique que ce soit encore à nous de le faire quand il s'agit de déterminer le bon moment pour mourir. Quant à savoir quel est le bon choix et quel est le mauvais choix, entre abréger la vie abruptement ou la laisser s'éteindre progressivement... pour moi le mauvais choix, c'est tout simplement celui qui fait souffrir le maître (j'aurais tendance à faire le parallèle avec le cas d'un patient en état végétatif et dire : celui qui fait souffrir les proches). Certains ont besoin d'accompagner leur animal jusqu'au bout, d'autres ne peuvent supporter le spectacle qu'offre la fin de la vie et toute la détérioration progressive que cela suppose. Ces paramètres doivent faire partie intégrante de la décision. A partir du moment où nous ne pouvons déterminer ce qu'aurait voulu l'animal s'il avait la capacité de penser comme nous et de s'exprimer distinctement... autant décider de faire ce qui nous fait le moins souffrir, nous.

 

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C'est intéressant, cette idée qu'il n'y a pas de non-décision, qu'on décide forcément quelque chose dans un sens ou un autre. Merci pour ton intervention, ça alimente ma réflexion :) Sur leur incapacité d'envisager leur mort comme un choix, je suis plus mesurée ; par rapport à l'expérience de Pousse-Café, très singulière et qui m'a vraiment donné l'impression d'une décision très résolue de ne plus vivre et d'une demande très explicite de l'aider à en finir, je la raconterai (sans doute une partie de projection là-dedans), pas le moment là tout de suite mais j'y reviendrai.

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Comme je te comprends Artefact, pour m'être déjà posées ses question à une certaine époque... comme tu le dis, "comment pouvons-nous décider qu'abréger est mieux qu'accompagner ?" Au final, moi je me suis seulement dit que pour accompagner, il faut être deux à faire la route.

Toute la difficulté est de deviner ce que "veut" l'autre, s'il est encore et toujours mû par une certaine volonté ou s'il a au contraire déjà renoncé et décidé, accepté sa fin. Difficile de pouvoir trancher sans subjectivité, sans que l'empathie ne prenne le dessus sur la raison... cependant il faut essayer je pense, car nous sommes les seuls à pouvoir agir. Tu te demandes qui nous sommes pour pouvoir décider de leur mort... mais qui sommes-nous pour décider de leur vie ? Les conditions de vie que nous leur offrons étirent considérablement leur durée de vie ainsi que le processus de leur mort, tout autant qu'elles facilitent leurs vies et allègent les souffrances de leur corps qui se meurt. Notre responsabilité est partout, découlant de l'immense et total pouvoir que nous avons sur leur vie, du jour où nous les accueillons chez nous à celui où nous devrons leur dire adieu.

Une fin de vie sans précipitation peut être un aussi beau cadeau à leur faire que l'instantanéité d'une mort sans souffrance, tant que le choix a été fait pour eux et par eux, seulement décrypté par nous... là encore une bien lourde responsabilité.

La notion de dignité est bien trop humaine, l'inéluctable de la mort et le désir, qui découle de cette perception, d'abréger une vie que l'on sait finissante pour fuir des jours sans espoir sont encore les reflets de peurs et de tabous humains... je pense que le seul critère valable est la souffrance : bien qu'elle fasse partie de la vie, c'est dans bien des cas nous qui la rendons possible sur une si longue durée. Grâce aux bonnes conditions de vie qui ont jusque là rendus nos animaux heureux tout au long de leur existence, nous sommes en mesure d'étirer de même leur agonie. C'est donc à nous de savoir dire adieu à temps pour qu'ils n'aient pas à connaître le revers de la médaille d'être un animal domestique chez un humain aimant et attentionné. Je pense que c'est un devoir qui nous incombe et qu'il doit être accompli comme tel : un devoir, dur, triste... jamais une solution de facilité, une fuite : il faut être responsable jusqu'au bout !

Et pour juger de la souffrance éprouvée, et surtout de leur ressenti vis à vis d'elle on se base en effet souvent sur les critères que tu as énumérés : l'envie de vivre, au travers de leur volonté de manger, de se laver, notamment, mais aussi de leur façon d'être en général. Mais ils ne sont que les témoins de leur souffrance éventuelle, il ne doivent pas être traduits autrement : un rat qui ne se lave plus n'en est pas moins digne, un rat qui ne marche plus n'en est pas plus pitoyable, il n'y a pas de notion de déchéance. Il n'y a que ce qui doit être fait pour eux et jamais pour nous, comme tu l'as ressenti de si belle manière pour Croquenote.

 

(je viens de voir la réponse de Manzelle, je poste tout de même car bien que l'on soit d'accord en tout autre point, je persiste à croire qu'il faut essayer de voir si l'animal souffre ou non et s'il continue à lutter pour sa vie ou s'il a déjà atteint ses limites à lui. Un animal en fin de vie n'est pas un patient en état végétatif à mon sens : il est un être toujours bel et bien capable de souffrance et je crois que cette souffrance passe avant celle de ses maîtres. Plusieurs organismes visant à s'assurer du bien être animal ont érigé la capacité à souffrir comme le critère nécessaire et suffisant pour avoir précisément le droit à ce que cette souffrance soit réduite au maximum... à partir du moment où il n'y a plus souffrance on pourra se demander ce qui est éventuellement mieux pour les maîtres, avant on doit veiller à ce qui est mieux pour celui qui la subit, cette souffrance.)

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e viens de voir la réponse de Manzelle, je poste tout de même car bien que l'on soit d'accord en tout autre point, je persiste à croire qu'il faut essayer de voir si l'animal souffre ou non et s'il continue à lutter pour sa vie ou s'il a déjà atteint ses limites à lui. Un animal en fin de vie n'est pas un patient en état végétatif à mon sens : il est un être toujours bel et bien capable de souffrance et je crois que cette souffrance passe avant celle de ses maîtres.

 

 

Nous sommes d'accord sur le fait que la souffrance doit être le paramètre principal à prendre en compte dans la décision d'euthanasie, mais ça va de soit en fait. Le concept même d'euthanasie (littéralement "bonne mort") inclue l'idée d'épargner des souffrances. Tuer un animal qui ne souffre pas, ce n'est plus de l'euthanasie, c'est un simple meurtre.

 

Mais si la souffrance est un critère nécessaire à la décision de l'euthanasie, il n'est en rien suffisant. Ce n'est pas la souffrance qui détermine si la vie vaut encore ou non le coup d'être vécu. Il n'y a pas d'échelle objective de la souffrance. Certains cancéreux en phase terminale ont encore une incroyable rage de vivre malgré les douleurs (mentales ou physiques) atroces qui les rongent, d'autres se seraient déjà suicidés pour moins que ça... trop de paramètres entrent en jeu.

 

Un rat qui traine derrière lui une énorme tumeur souffre, il n'y a pas trop de questions à avoir sur cela. Au moins physiquement. Peut être même mentalement.

Mais ça ne suffit pas à savoir s'il veut encore vivre ou non.

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Je considère que j'ai merdé avec ma première rate (partie de tumeurs, difficilement) en me disant "mais non, elle tiendra encore ce WE". Depuis je préfère "trop tôt" que "trop tard" avec toute la souffrance que ça peut entrainer. Au final je leur "vole" peut être quelques jours, au mieux 1 ou 2 semaines dans les cas que j'ai eu à la maison mais j'estime que ce temps gagné ne vaut pas le prix à payer.

 

Au final je ne m'en suis jamais voulu d'avoir euthanasié un animal (condamné hein) quelques jours "avant que ce ne soit plus possible", je n'ai jamais remis ces choix en question.

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Je n'ai pas eu beaucoup de choix à faire concernant la mort des animaux (ou proches humains)

 

Mais pourtant lorsque la chatte, atteinte vraisemblablement d'une FIV est morte à la maison, j'ai su que c'est ce qu'elle voulait, elle.

Parce qu'elle ne pouvait plus s'alimenter correctement (gingivite chronique) mais surtout parce que jamais je ne l'ai vu aussi heureuse que la veille à quémander des calins toute la journée, nous dire "au revoir", ni ce soir là à manger sa tranche de jambon goulument comme jamais. Parce que je suis sure qu'elle savait.

 

Pour mon autre chat, je n'étais pas là, mais il ne pouvait plus manger, faire ses besoins, ni vivre simplement. Il a passé une journée au moins à dormir sur le canapé. Ma mère est allée chez le veto, pour sa piqure anti-inflamatoire (problème rhénaux) et le vétérinaire lui a dit : c'est à vous de choisir, mais il ne tiendra pas le week-end. Ils auraient pu le mettre sous machine pour le faire vivre un peu plus, mais à quoi bon. Alors, elle a pris la décision (après m'avoir consulté d'ailleurs, ce en quoi je lui suis très reconnaissante) de le faire partir doucement, avec elle à ses côtés.

 

Pour Tini, mon premier rat, elle est partie si vite que la question ne s'est pas posée.

 

Pour ma grand-mère, elle a décidé de se laisser mourir pour rejoindre mon grand père décédé quelques mois plus tôt. On aurait pu la mettre sous respiration artificielle, sous un tas de truc, mais pourquoi alors que c'était sa volonté de partir là maintenant ?

 

De tout temps (depuis que j'ai 10 ans et que nous avons eu des chats), je suis contre la médecine à outrance, celle qui décide que toute vie doit être prolongée à cause du serment d’Hippocrate qui "interdit" le contraire. Pour l'humain je n'ai pas le choix, ce n'est pas moi qui fait la loi, mais pour les animaux, je suis contre les opérations qui "sauvent" une semaine de plus, ou toute autre forme de prolongement artificiel de la vie pour une durée très limitée ou dans des conditions indécentes. Après, de là à décider de l'euthanasie ou non, c'est encore pas tout à fait la même chose, mais pourtant est-ce si différent ? Si nous décidons que nous avons le pouvoir de prolonger, alors nous avons aussi celui d'arrêter. La limite reste de savoir à quel moment prendre la décision d'opérer et celle de faire cesser tout le processus.

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J'ai toujours éprouvé de la culpabilité face à l'euthanasie de mes rats. Même en sachant qu'il fallait le faire, même en sachant que le véto appuyait ma décision. Je me suis toujours dit que j'aurais voir plus tôt, agir plus vite, être là... Mais je pense que ça reste un acte juste. Je suis d'accord avec l'idée que certes, on peut se demander de quel droit on peut juger de la fin de le vie de notre animal, mais on peut aussi se demander de quel droit on l'entretient dans sa douleur à cause de notre égoïsme, de notre désir personnel de profiter encore de sa présence.

 

Ce que je vais dire risque de ne pas plaire. N'en voyez pas de mépris de ma part: j'ai aimé tous mes animaux. Mais ça dépend aussi des rats. Il y a eu dans ma vie de "maman ratounesque" des rats que j'ai refusé de voir partir et d'autres où ça a été plus facile à accepter. ça tient du caractère du rat et du mien, de notre lien, de notre histoire. Mon Imagine, je l'ai accompagné jusqu'à la fin. Je l'ai, lavé, nourri et abreuvé à la seringue pendant des semaines nuit et jour jusqu'à n'en plus dormir. Je lui faisais de la soupe parce qu'il ne pouvait plus manger solide. Je ne pouvais pas accepter sa mort. Il souffrait, c'est certain (il avait une pleurésie très avancée probablement causée par une maladie génétique). S'il avait été un autre rat, j'aurais peut-être eu la présence d'esprit de mettre fin à son calvaire. Il s'est battu, certes, j'avais presque réussi à le guérir. Mais il a fait un AVC d'épuisement et après ça il s'est laissé mourir. Il a été plus résolu que moi.

 

Je crois aussi profondément à l'amour de l'animal pour son maître. Je suis intimement persuadée que certains animaux se battent pour eux-même mais aussi pour leur maître. Ils voient l'attention et l'amour qu'on leur donne et ça les rends plus forts, plus combatifs contre le déclin. Imagine a attendu que je le pose à peine quelques secondes pour s'endormir, je l'avais depuis des heures contre moi.

C'est quelque chose qui est à double-tranchant. D'un côté, ça nous permets de les garder près de nous, de les accompagner et pour nous ils feront encore plus cet effort... mais d'un autre côté, je pense qu'on les pousse inconsciemment vers ce qu'on souhaite nous même. Leur combativité, leur désir de vivre et de se battre... est-ce que ce n'est pas tout simplement le reflet de notre propre désir ? Un rat très aimé ne sera t-il pas plus combatif qu'un rat qui n'a pas une grosse relation avec son maître ?

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Limë, la question d'artefact, si j'ai bien compris, n'est pas celle de la culpabilité (pas directement, en tout cas), mais du droit qu'on s'octroie à mettre fin à une vie.

Comment peut-on être convaincus que s'il avait pu choisir, le rat aurait préféré l'euthanasie à quelques jours de souffrance supplémentaires, mais en vie?

 

C'est vrai que c'est un choix tout à fait arbitraire: quand je choisis l'euthanasie, c'est vrai que c'est avant tout parce que ce que le rat endure a l'air très douloureux, et surtout, qu'il n'y a pas de rémission possible.

 

Dynamite n'avait plus qu'un poumon (et encore..) de fonctionnel, n'acceptait plus aucun traitement (ni par voie orale, ni nébulisation), enchaînait les détresses respiratoires qui la paniquaient, mangeait des quantités infimes, liquides, du bout des dents, refusait toute sortie. Elle aurait sûrement vécu encore plusieurs semaines ainsi, mais j'ai fait le choix de l'euthanasie. L'ai-je faite euthanasiée plutôt pour moi que pour elle? Autant pour moi que pour elle, je dirais.

 

La souffrance est manifeste dans ce genre de cas, et c'est pour moi l'euthanasie la plus "facile" à vivre, celle qui libère.

 

Celle qui me poserait, moralement, le plus problème, c'est celle qui survient pour un rat en forme, atteint d'un truc type zymbal, d'un machin facial, d'un truc hideux de l'extérieur, mais qui, ne touchant pas un organe vital, n'empêche pas l'organisme de fonctionner convenablement. J'aurais le sentiment d'euthanasier parce que la vue du rat déformé m'est insupportable, puisque je sais qu'il existe des anti douleur efficaces et bien tolérés par le rat.

 

Pour un vieux rat grabataire, je ne vois pas réellement ce qui justifie l'euthanasie. effectivement, nos soins les maintiennent en vie, mais après tout, les soins et le confort qu'on leur offre sont le prix de leur liberté.

 

J'ai finalement tendance à penser que tout animal choisirait la vie plutôt que la mort, quel que soit son état, s'il en avait le choix. Je ne crois pas que le suicide touche les animaux.

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Pour le droit je rejoins ce qui a été dit plus haut, toute leur vie est de toute façon liée à nos choix, donc je ne vois pas en quoi ce serait différent avec leur mort. En tant qu'eleveuse JE décide de leur venue au monde, JE décide en partie des chances que je leur offre (sélection mais surtout choix des adoptants), toute leur vie JE décide en grosse partie de leur santé (maintient, véto). Décider de leur mort ne me semble pas être un choix différent de ceux que j'ai pu faire toute leur vie, juste un choix touchant un sujet plus "tabou" pour nous.

 

Je trouve magnifique ce qu'ont fait Artefact ou Senalina, mais perso je ne l'aurais pas fait (toujours dans le cas d'un animal condamné). J'aide mais je ne remplace pas, si une fonction vitale ne fonctionne plus j'estime qu'il est temps. Je ne prête généralement pas d'intentions à mon rat (et je trouve la reflexion de senalina très pertinente, ne se forcent-ils pas pour nous?), je reste basique sur les faits, si ça ne fonctionne plus alors c'est terminé.

 

Si j'enlève les cas de souffrance évidente (detresse respi and co), j'ai eu affaire à la grande vieillesse où le rats devient de plus en plus grabataire. J'ai aidé à la toilette, j'ai pallié au manque de mouvement (étirements, massages), j'ai adapté le régime pour maintenir. Mais quand le rat n'a plus été capable de manger seul j'ai coupé court.

J'ai aussi eu 3 fois la joie d'expérimenter zymbal sur des rats assez jeunes, j'ai fais les soins véto nécessaires, j'ai laissé une chance. Dans le cas de Noel j'ai pris la décision après le second abcès, il était encore beau et en forme, mais risquait une septicémie à tout moment. Dans le cas de Tutti j'ai pris la décision quand elle n'a plus pu fermer son oeil (j'aurais pu la maintenir avec des crèmes et des gouttes, mais à quel prix). Dans le cas de Gilbert j'ai pris la décision avant que la septicémie soit une option (et il avait déjà assez souffert comme ça). Techniquement les 3 avaient au moins 1 ou 2 semaines devant eux, j'ai clairement écourté leurs vies.

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Je suis assez d'accord avec toi Limë.

 

Si l'animal ne survivrait pas dans la nature (en gros parce que c'est un peu radical) qui sommes nous pour l'obliger à vivre plus longtemps ? Je dis bien l'obliger, parce que c'est une question de ressenti. Tini voulait se battre, pour elle, pour moi ou par instinct je sais pas, mais je voyais bien qu'elle se laissait pas aller. Donc, si j'avais pu/su faire quelque chose pour l'aider à atteindre SON objectif, je l'aurai fait. Mais si on maintient en vie un animal ou une personne pour NOUS, c'est purement égoïste à mon sens.

 

J'espère sincèrement que le jour où ce sera mon tour, il sera possible pour moi de faire comprendre si j'ai envie ou non MOI et pas mes proches de continuer à me battre.

 

Il y a une chanson que j'aime beaucoup, c'est une chanson de réconfort aux mourants. Elle s'appelle "Bien vivre ou bien mourir" et est chanté par le groupe de musique médiévale "Les derniers Trouvères" elle commence par :

 

 

Ai-je la force et ai-je envie de vivre

Ou suis-je trop fatigué de tout ce qui m'arrive ?

 

Si je meurs que cela serve à mon bonheur,

Si je survis que je sorte enfin de la nuit

Parfois on veut quitter cette terre

Quand on ne sais vraiment plus comment faire

Souffrir de rester, souffrir de partir

Ou bien guérir et me réjouir ?

Je trouve que ces quelques mots résument très bien mon état d'esprit sur la question.

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Je rejoint les avis de manzelle et de Limë.

 

J'ai (la chance ou le malheur) de voir toute la journée des animaux hors le contexte qu'on leur impose : pas de pitié chez l'éleveur c'est marche ou crève, seul l'instinct prime, du coup je peux observer ce qui se passe quand les animaux n'ont pas le facteur "protection" et "confort" d'un foyer aimant.

 

Ce que j'ai constaté, entre autres, par rapport au sujet qui nous intéresse, c'est ça :
J'ai toujours dit "tant qu'il mange et boit c'est qu'il se bat, donc il ne souffre pas tant que ça, il y a de l'espoir". J'en reviens. Parce qu'en fait, manger et boire, c'est juste un besoin vital pour un animal, et même dans un état proche de la mort, un état ou personnellement j'aurais fait euthanasier depuis longtemps, certains mangent et boivent.

Exemples concrets : j'ai vu personnellement manger et se déplacer comme si de rien n'était un hamster avec la joue bouffée jusqu'à l'os de l'oreille au cou, un trou plus gros que mon pouce. Mort peu de temps après. Une souris dévorée vivante sur tout le dos, infection ++, avant l'eutha, elle mangeait et buvait, et courait dans la cage,...

Je doute que ces animaux ne souffraient pas. Ils avaient juste un réflexe naturel de survie, c'est inscrit dans leurs gènes.

 

Personnellement, je n'ai jamais ressenti de culpabilité à faire euthanasier un animal, une grande douleur, oui, je me suis déjà excusée auprès d'eux de faire ce choix, mais j'ai toujours su que c'était le moment. Il y en a toujours pour lesquels c'est plus dur que d'autres, mais c'est juste, égoïstement, la douleur que j'aurais à vivre sans eux.

 

J'ai déjà aidé des rats paralysés, chroniques, en sachant pertinemment qu'ils allaient partir dans peu de temps, mais sans entrer dans des considérations de "dignité" (qui sont je pense plus humaines qu'animales), je prendrais toujours la décision de les faire partir, au delà d'un certain point, quand j'arrive à mon point de vue au niveau de "l'acharnement".

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Je suis assez d'accord avec toi Limë.

 

Si l'animal ne survivrait pas dans la nature (en gros parce que c'est un peu radical) qui sommes nous pour l'obliger à vivre plus longtemps ?

 

Sauf que dans la nature, les rats ne vivent pas dans des cages, et ne dorment pas dans des hamacs... Leur état, chez nous, n'a plus rien de naturel.

Soigner un rhume n'est pas naturel, isoler pour qu'une patte cassée se remette ne l'est pas non plus. Ces rats seraient sûrement morts aussi dans la nature, et pourtant, ceux là aussi, on les "oblige" à vivre plus longtemps.

 

Je ne comprends pas l'argument de la nature dès lors qu'on parle d'animaux domestiques.

 

Limë, je sais pas trop l'expliquer, mais ton raisonnement me met mal à l'aise. Pourtant c'est vrai, tu as raison, tu décides de tout de leur naissance à leur mort. Une sorte de déterminisme, de marionnettisme que j'ai du mal à concevoir.

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Par dans la nature, je voulais dire sans artifice. Une patte cassée, ça se répare, mieux avec atèle, mais sans aussi. Un rhume, ça peut se guérir seul, mieux avec nos soins, mais sans aussi.

Une tumeur bénine on peut vivre avec, mieux si on l'enlève mais sans aussi.

Un AVC qui rend légume, on ne peux plus vivre sans matos lourd...

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C'est encore plus vrai dans mon cas vu que je les fait naitre, mais ça marche avec tout le monde, même avec les adoptants. Vos soins quotidiens, vos pratiques vont influer fortement sur la vie du rat, du coup avoir une implication dans sa mort ne me semble vraiment que la continuité du reste.

 

Pour moi la mort de mon rat, et tout ce qui peut l'entourer, n'est clairement pas la décision la plus lourde que j'ai à prendre. C'est celle qui est le plus liée à l'émotion bien sur, mais c'est aussi celle qui se base le plus sur des faits rationnels. Mon rat fait un AVC et se retrouve légume, bon bah voilà y'a pas 36 choses à faire et rien à regretter. Placer un raton m'est beaucoup plus difficile et lourd de conséquences, car l'interprétation des "faits" est moins "facile", qu'il y a bien plus matière à prendre une mauvaise décision et que dans ce cas c'est pas écourter un peu une vie condamnée mais en pourrir une entière.

 

Au final la décision tient à nos expériences, notre façon d'aborder la mort.

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Vaste question...

 

 

Pour avoir assisté aux implorations moult fois répétées d'une personne en fin de vie et en souffrance extrême pour qu'on la tue, je considère encore plus maintenant l'eutha comme une chance.

 

 

Je ne suis pas pour l'euthanasie d'un animal qui ne souffre pas. Mais la souffrance de l'animal, c'est le maitre qui devrait savoir la juger s'il est un tant soit peu en empathie.

Eutha car l'animal est "moche" ou demande trop de soins, comme je l'ai déjà lu malheureusement, ça m'horripile. C'est un acte qui doit se faire pour l'animal, pas pour se soulager d'un fardeau.

La vie est précieuse, nous n'avons que ça en réalité (je ne suis pas croyante, à la mort, il ne reste rien, c'est encore plus horrible), donc l'abréger est un dur moment pour moi, sans compter que les animaux ne peuvent pas exprimer clairement une volonté avec ce que cela implique. Ceci dit, la souffrance extrême est encore pire.

Le point qui me fait hésiter quan au moment, et me fera toujours hésiter, se place sur la possibilité d'une amélioration : comment savoir si les traitements ne vont pas faire effet dans quelques jours, quelques semaines ? L'espoir insensé qui parfois fait reculer l'échéance du choix au delà du raisonnable. Plus que le choix de l'euthanasie (quand on adopte des animaux, on sait qu'on devra faire face à l'eutha un jour), c'est le choix du moment qui me fait mal. Bizarrement, on espère toujours, de manière insensée parfois.

Je trouve pour ma part plus difficile de choisir d'abréger la vie de mon animal que de le laisser mourir... c'est un déchirement et une culpabilité à chaque fois : "et si demain, il allait mieux ?", "et lui, que veut-il ?", "sait-il ce que je m'apprête à faire ? me le pardonne-t-il ? le veut-il ?"

Tant d'interrogations sans réponse...

 

Dsl si je ne suis pas claire, je suis fiévreuse.

En résumé, il m'est égoïstement plus "facile" (entre guillemets car la mort n'est jamais facile à admettre pour ceux qui aiment l'individu) d'accepter une mort à laquelle je ne suis pas mêlée (un animal retrouvé mort alors même que je me torture sur le choix du moment, je n'ai plus la culpabilité du choix) qu'une eutha avec ce qu'elle porte d'espoir étouffé volontairement. Dans le premier cas, je me dis : "il est mort, il n'y a plus rien à faire", et dans l'autre cas "et si demain, il allait mieux ?".

Dsl, je ne suis pas explicite aujourd'hui, ma tête veut aller exploser...

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Sujet délicat

Je suis en plein dedans, et toutes vos remarques et réflexions alimentent la mienne.

 

Il y a des cas où, pour moi, la décision est très facile à prendre, que ce soit dans un sens ou dans l'autre.

- Lorsque ma Lithium a fait son AVC, elle avait la tête tournée à plus de 90° de son angle naturel, était incapable de faire quelque mouvement que ce soit correctement, et incapable de se nourrir. Elle paniquait dès que je la touchais et faisais des roulé-boulés sur elle-même en essayant de se redresser. Après 48h chez le vétérinaire a essayer de résorber les effets, sans succès, il était évident pour moi que l'euthanasie était le seul choix qui s'offrait.

- Lorsque le rat ne va globalement pas "si" mal, et où seuls les affres de la vieillesse sont là par exemple. Lorsque le rat te montre qu'il est malgré tout heureux de vivre, d'être avec toi, avec ses potes, et qu'il "kiffe sa life". Alors là, je suis pour le nursing et l'aider au mieux, et le "laisser mourir" tranquillement, tant que la souffrance semble rester tolérable.

 

Mais lorsqu'on est entre deux ? Lorsque l'animal ne va pas forcément bien, mais se bat, on veux l'aider, espérer qu'il aille mieux. Se bat-il par instinct, parce qu'il le veut, ou bien parce qu'on se bat pour lui ? La souffrance est aussi délicate à analyser.

 

Je rejoins certains avis sur le fait que, du moment qu'ils sont domestiqués et entretenus par nous, nous sommes tout autant responsables du fonctionnement de leur vie que de leur mort. Cela sera peut-être un peu tranchant comme avis, mais bon.

A partir du moment où nous décidons de les maintenir en vie d'une certaine manière : type de nourriture et fréquence, stimulation intellectuelle et jeu, compagnons ou non, etc..., les amener vers leur mort me parait logique. J'irais même jusqu'à dire : de quel droit les laisserions nous mourir sans rien faire après tout ce que nous avons fait pour eux dans leur vie ? Pourquoi devrions-nous nous effacer de leur mort après une présence si prégnante dans leur vie ?

Attention, je ne dis pas que tous nos rats doivent être euthanasiés hein !! Juste que chaque cas est différent, et que laisser mourir, chez lui, un rat qui ne souffre pas "trop", qui montre qu'il veut rester là, qu'il a encore envie de vivre, ne me choquera pas plus que d'aller faire euthanasier un animal en fin de vie en grande souffrance par exemple. Simplement, à chaque fois, ce doit être réfléchi, ressenti, adapté à la situation du rat.

 

Hamadryade : je trouve ta réponse parfaitement claire, et elle résume aussi très bien ma pensée. L'euthanasie est la chance de pouvoir éviter à nos animaux une lente agonie dans la souffrance. Mais quand ?

 

Désolée si je ne suis pas non plus très claire, mais je suis en pleeeeeein dans la question du quand... :/

(et d'ailleurs, le quand risque très fortement d'être déjà demain... :( )

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Artefact, merci! Je suis en plein dans cette réflexion pour Nymphadora, et ce post tombe super bien!

Bon, je suis toujours nulle pour m'exprimer, je vais essayer d'être claire...

 

Je pense aussi que l'euthanasie est le plus grand acte d'amour qu'on puisse faire. C'est choisir d'ignorer notre peine humaine de la perte pour laisser partir un être cher quand la vie est devenue trop pénible, trop douloureuse, trop difficile. En Suisse, les humains peuvent profiter de Exit pour s'en aller également, et je suis vraiment pour! Et je suis bien d'accord, ne pas décider d'euthanasier, c'est décider de ne pas le faire ( :confus: )

 

 

Jusqu'à présent, j'ai eu l'immense chance que tous pour mes animaux (chevaux, chat, rats), la décision soit "facile" à prendre, à cause de problèmes de santé qui ont fait que l'heure est venue un jour, et qu'il était temps. Même si pour certaines personnes extérieures j'aurais dû tenter plus, je ne suis pas d'accord, tenter plus dans ces cas aurait été de l'acharnement.

Mon premier cheval cheval avait des sarcoïdes qui l'ont un jour empêché d'uriner. Je n'allais pas lui infliger une opération pour dévier l’urètre sur l'anus, merci. Et je n'allais pas non plus attendre qu'il crève de lui-même dans la douleur.

Ma deuxième jument s'est cassé une jambe. Alors oui, j'aurais pu tenter de la faire opérer et soigner. Mais c'est des mois et des mois d'enfermement, avec le risque que ça ne serve à rien. Un cheval est fait pour bouger, pas pour rester coincé dans un box, suspendu au plafond dans un harnais 24h sur 24 pendant des mois, avec des escarres, de la souffrance... Pour moi, la décision était claire, je n'allais pas lui imposer ça!

Pour mon chat, on l'a accompagné longtemps avec ses problèmes rénaux, ses vomissements, sa perte de poids. Un jour il nous a montré qu'il ne voulait plus. Il avait plus de 19 ans!

Bref...

 

Et là, avec Nymphadora, la situation est différente. Elle n'a pas de tumeur, pas de problèmes respiratoires, elle n'a que peu maigri. Mais les pattes arrière sont en vrac, et elle me fait de plus en plus mal au cœur. En plus elle est seule après la mort de sa dernière copine et parce que lorsque j'aurais pu l'amener chez Jerry pour qu'elle finisse sa vie avec des copines, elle avait un abcès caché qui l'affaiblissait, et je pensais qu'elle partirait avant Noël. Résultat, elle est toujours là, mais maintenant avec sa paralysie je ne me vois pas lui imposer un long voyage, un déménagement et une intégration. J'aurais dû l'emmener comme j'avais pensé à la base, direct après la mort de Méthyne, j'ai hésité, j'ai merdé et je m'en veux pour ça. Mais bon, c'est fait, plus moyen de revenir en arrière.

 

Ma réflexion en ce moment est: est-ce que ma Nymphadora-Merveilleuse, qui était une cascadeuse, une exploratrice futée qui a trouvé toute sa vie le moyen de filer de la cage et de l'espace de sortie pour aller se balader dans l'appart, nous rejoindre, etc. a encore une vie de qualité alors qu'elle se traine et se pisse dessus parce qu'elle ne peut plus se soulever sur ses pattes arrière?

Elle vit uniquement sur la table collée à la cage qui est le terrain de sortie, où elle a gamelle de bouffe et gamelle d'eau, cachée dans un abri de tissu. Jusqu'à il y a quelques jours, elle rentrait encore dans la cage pour faire ses besoins, boire au biberon..., mais ne le fait plus depuis trois jours. J'ai essayé de lui aménager des toilettes accessibles, avec de la litière dans un carton découpé sur un côté pour qu'il n'y ait pas de marche. Elle se traine pour y aller, elle a compris tout de suite. Mais elle se traine, tombe sur le flanc. Elle si agile avant. Alors est-ce qu'elle est encore heureuse ainsi? Je pense qu'on arrive au bout, que la qualité de vie n'y est plus vraiment, et pourtant j'hésite à l'emmener pour l'euthanasie...

 

Est-ce qu'il y a une souffrance "morale" pour un animal qui a perdu sa mobilité? En regardant Nymphadora ces derniers jours, j'en ai l'impression. Il y a de la trouille dans son expression quand elle galère à ramper. Trouille de l'animal qui se sent diminué et du prédateur qui va arriver? Et pourtant j'hésite... Parce que "à part ça, elle va bien". Alors clairement, oui, si je l'emmène pour l'endormir, je lui aurai pris des semaines (?) de vie. Oui elle mange, même si elle commence à faire la fine bouche et à être moins gourmande des friandises bien dures que je lui donne pour qu'elle use ses dents... Mais au fur et à mesure que j'écris, je me rends compte qu'elle vivote plus qu'elle ne vit...

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D'avoir posé tout ça par écrit m'a permis de bien réfléchir, et j'ai profité de croiser ma véto ce matin parce que j'ai fait le chauffeur pour Wolfyne et son perroquet qui avait besoin de se faire couper le bec pour lui en parler.

 

Pour alimenter la réflexion, selon ma véto, le fait qu'un animal continue de manger et de boire n'est pas forcément un signe que ça va encore. C'est l'instinct de survie. Elle a vu arriver au cabinet, par exemple, des hérissons qui ont passé sous la débroussailleuse, qui ont la moitié du crâne défoncé, et qui mangent toujours.

Pour elle, le fait de perdre sa mobilité pour un rat et d'en arriver à faire ses besoins sous lui, pour un animal si maniaque de sa propreté, c'est vraiment pas glop. De même, perdre son indépendance et en être réduit à ramper, ce n'est pas une vie "digne".

De plus, les rats ont un cœur super solide, et donc si on attend qu'il lâche et que le rat parte de lui-même, on peut parfois attendre très longtemps. Trop longtemps.

 

J'avais déjà presque pris ma décision, et notre discussion m'a confirmé mon choix. Nymphadora et moi avons rendez-vous demain matin pour son dernier voyage.

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Euthanasie. La mort est souvent longue et pénible et douloureuse. Ils ont cette chance qu'on puisse leur éviter l'agonie.

Euthanasie sans un doute.

 

 

Moi ma deadline (ah ah ah ah) c'est la prise spontanée de l'alimentation. Si on en vient au gavage, c'est qu'il faut laisser tomber, si on sait que ce gavage n'aura pas de fin, et que l'animal prendra ses nutriments comme ça.

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Non non, je n'ai pas abandonné mon propre débat, j'avais besoin de laisser décanter un peu. Merci de vos contributions !

Il n'y a pas de question précise à mon cheminement, c'est plus un faisceau d'idées, de notions. (Oui, je sais, c'est pas très clair, mais dans ces méandres de pensée je pense qu'il peut se nicher des choses profondes). Il n'est pas question spécialement ici de "trouver le bon moment", d'examiner des cas particuliers. Bien sûr, dans la vraie vie, c'est ce qu'on fait. C'est pragmatique, c'est opérant, c'est fonctionnel et c'est très bien. Je continuerai à apprécier chaque situation particulière et à opter pour l'euthanasie chaque fois que ma conscience me dira que c'est le bon choix. Mais ce qui me motive ici est plutôt un exercice de pensée, une réflexion un peu plus "meta", parce qu'en terme de réflexion le relativisme coupe court à tout débat ou toute construction de la pensée, et j'ai envie de penser les choses un peu plus loin que ça. En termes de morale, de conséquences de nos actes d'un point de vue de leurs principes et pas seulement de leur résultat, ou des circonstances concrètes qui nous amènent à les poser. Peut-être aussi parce que je suis à une phase de ma vie où je suis face à un certain nombre de mes propres contradictions, et où le poids des années et expérience passées me pousse à chercher des regards plus élevés, plus profonds sur les choses.

 

Je pense qu'un élément central c'est la temporalité : de la mort, de l'agonie. Je me demande dans quelle mesure nous euthanasions car nous voulons que la mort soit un instant ponctuel, un passage sans épaisseur : l'instant d'avant on est vivant, l'instant d'après on est mort. Comme si on repoussait, refusait l'idée que la mort puisse être un processus avec une certaine durée. C'est quelque chose que nous évacuons en grande partie avec l'euthanasie : une fois que la décision est prise, il y a quelque chose de tranchant, ça a quelque chose d'un basculement brutal qui nous évite d'avoir à attendre, sans savoir "quand". Et si c'est un instant, nous avons tout pouvoir de décider quand il adviendra... et toute latitude pour nous questionner si c'était "le bon moment", s'il y aurait pu y avoir de la vie une heure de plus, de moins, une minute, une seconde. D'un point de vue pratique, ça ne change rien. Du point de vue du droit à ôter la vie, de la responsabilité de prendre les décisions pour un autre être vivant, de l'intention pour le faire, si on pousse le raisonnement jusqu'au bout, ça change pas mal de choses. (Ceux qui me connaissent un peu ici savent que j'aime pousser les idées à leur bout, à leur caricature même pour savoir où elles mènent, ce qu'elles impliquent).

 

Je me dis parfois que notre langue maternelle nous oriente, d'une certaine manière, dans cette appréhension du temps. Le français est assez faible pour exprimer la durée des processus. Nous avons "en train de", quand les anglais ont les temps continus, les slaves ont le perfectif. "Il est mort" est autant un état ("il est mort" = il n'est plus vivant et ne le sera plus jamais) qu'un événement ("il est mort" dans un accident de voiture...). He died, he is dead, he is dying... nous n'avons pas tant de nuances. Je vous épargne le tchèque. Et pourtant, l'expérience de la durée de la mort est une expérience forte, singulière, bouleversante... qui ne se réduit pas forcément, je crois, à "une agonie longue, pénible et douloureuse". Il y a aussi une valeur, un poids dans cette durée.

 

Ça ne concerne certainement pas tous les rats, tous les cas. Mais beaucoup d'entre vous ont certainement vécu ce moment, un matin en se levant, ou un soir en rentrant du travail, où l'on regarde l'un de ses rats avec cette certitude : "oh, toi, tu vas mourir", sans qu'il y ait une pathologie affreuse et douloureuse derrière, juste ce sentiment que le rouleau arrive au bout. Qu'est-ce qui fait qu'on décide de précipiter cette mort inéluctable, ou au contraire d'attendre qu'elle survienne ? Nous avons aussi vécu un nombre de situations où nous savons que la durée de vie de notre rat se compte en heures, peut-être en jours mais en aucun cas en semaines. Qu'est-ce qui nous décide ? un faisceau d'éléments, incluant la souffrance, le désir de vivre, et tout un tas de critères qui sont, peut-être, moins jolis à voir que nous ne le voudrions ? Que ça aille plus vite, que nous n'ayions pas à affronter la durée ? Quelle est notre légitimité à les apprécier, ces critères ? Nous avons la responsabilité de nos animaux et ça inclut ce moment de décider de la mort. Nous décidons tout pour eux, leur nourriture, leur habitat, parfois leur naissance, tout. Pourquoi pas la mort. Mais alors, pourquoi sommes-nous si choqués (la plupart d'entre nous en tous cas je pense) par le culling ? Si je pousse le raisonnement à son extrême, si l'on considère que notre position d'humain domestique nous donne tout pouvoir de décision, le culling ne devrait pas être tellement plus choquant que l'euthanasie (oui, je provoque... comme j'ai dit j'essaie de pousser le raisonnement à son bout).

 

Pour prendre un parallèle audacieux, et toutes proportions gardées (je ne fais pas d'analogies des situations en elle-même, c'est une analogie sur le mode de raisonnement) : je suis viscéralement contre la peine de mort, pour tout un tas de raisons, dont une, fondamentale, est que l'idée même de commettre une seule fois, une seule erreur est totalement intolérable. Si j'emprunte la même radicalité, l'idée d'enlever une heure de vie à un animal qui aurait, peut-être (comment le savoir ? l'animal peut-il avoir un désir conscient de vivre ou de ne plus vivre, autre qu'instinctif ? j'y reviendrai), devrait être tout aussi intolérable.

 

Dans le même temps, je suis pour le droit à l'avortement (pas "pour l'avortement", c'est une expression raccourcie que je n'aime pas et dont je trouve qu'elle n'a pas beaucoup de sens), et je me moque des bigots anti-avortement cause "sacralité de la vie" mais pro-peine de mort (la vie des criminels n'est donc plus sacrée, elle ?), car j'y vois une contradiction. Mais est-ce que je ne reproduis pas en creux la même contradiction ? Encore une fois, je suis profondément pour le droit à l'avortement. Mais un argument d'une connaissance à moi m'a récemment ébranlée : si on accepte l'idée même de l'avortement, comment fixe-t-on la limite, le délai légal ? qu'est-ce qui fait qu'une minute avant, on peut encore mettre fin à la vie du fœtus, et une minute après on ne peut plus ? Si on considère que le fœtus non né n'est pas encore un être humain, qu'est-ce qui empêche de l'avorter jusqu'aux derniers instants avant la naissance ? C'est encore une question de temporalité ; les seuls instants objectivables sont l'union des gamètes et la naissance. Entre les deux, ce n'est que durée. C'est un processus. Et si on accepte l'idée qu'il est possible d'avorter, on entre dans un débat moralement "intranchable" (la limite sera placée pragmatiquement, mais plus essentiellement) du "quand", à quel moment.

 

Encore une fois toutes proportions gardées, sur le parallélisme des raisonnements : sur la différence entre un choix moral radical qui évacue la possibilité de placer une limite arbitraire (mais dont la radicalité impose de l'assumer jusqu'au bout de ses implications), ou un choix relativiste qui ne donnera jamais de réponse sur la moralité du choix de l'instant, il me semble qu'il y a un point sensible sur la question de l'euthanasie. Si j'accepte mon droit à décider de donner la mort, j'accepte l'idée que je me tromperai parfois, que je choisira parfois trop tôt, parfois trop tard.

 

Et peut-être, je priverai l'animal d'instants de vie qui auraient pu avoir un sens, un poids. Et peut-être que je me priverai aussi, de la précieuse épaisseur de ce temps unique où l'on s'accompagne et se dit au revoir.

 

L'animal peut-il avoir un désir de vivre ou de ne pas vivre, autre que l'instinct de survie coûte que coûte ? J'ai tendance à le croire, sans pouvoir être sûre que je n'ai pas projeté des choses humains sur les expériences que j'ai vécues. J'ai vu des rats me signifier qu'ils ne voulaient plus se battre. Refuser de manger d'une manière très déterminée et en pleine conscience. Ou grimper les barreaux à la seule force des pattes avant et repousser mon aide avec une rage de vivre incroyable et me montrer que quelque soit leur état, ils voulaient encore vivre et que ma responsabilité, ce n'était pas de choisir leur mort mais de faire tout ce que je pouvais pour respecter leur désir de vie.

 

Croquenote était dans un état de "délabrement" sans commune mesure avec celui dans lequel Pousse-Café se trouvait le jour où j'ai choisi de le faire euthanasier. Pourtant, je n'ai de regret ni pour l'un ni pour l'autre. Croquenote ne pouvait manger seul, mais c'est bien lui qui mangeait : je l'aidais, mais c'est lui qui mangeait, ce n'est pas moi qui le gavais. Il allait au devant de la pipette et cessait quand il en avait assez, je n'ai jamais imposé de quantité, et n'ai jamais fourré la bouillie au fond de sa gorge, il venait la chercher, c'est lui qui l'avalait. Il cracottait de plaisir pendant le câlin du soir, il avait une incroyable énergie de vivre malgré ses incapacités. Plus que tout je souhaitais qu'il parte à la maison, dans sa routine, ses odeurs, en douceur. Et le fait d'avoir passé le temps, pris le temps de son "agonie" a été un partage et un moment extraordinaire.

 

La veille du jour où Pousse-Café est mort, il mangeait encore seul et se déplaçait seul, et nous donnait des beignes et des coups de boule quand on voulait l'aider ; mais le jour de sa mort, il a voulu venir sur mes genoux (la première fois de sa vie), a refusé la nourriture, a refusé fermement d'aller ailleurs que sur mes genoux. Je le connaissais par coeur et il n'aurait jamais toléré que je le nourrisse ou que je le torche. Il m'a montré de la manière la plus claire possible qu'il ne voulait plus vivre. J'ai foncé pour le faire euthanasier.

 

Woodewood Chuckchuck était mourant, amorphe, hypotherme, dans le gaz, ne comprenait plus ce qui se passait autour de lui et je savais qu'il allait mourir dans les heures suivantes. Aurais-je dû le garder contre moi et attendre avec lui qu'il s'enfonce et s'en aille, accepter de "perdre" du temps à être avec lui et l'accompagner dans la mort, plutôt que l'emporter dans le froid, la bagnole, la table du véto, l'aiguille ? pourquoi l'ai-je fait ? pour que ça aille plus vite ? pour que j'ai l'illusion de contrôler, maîtriser l'instant où ça se produirait ? pour ne pas gaspiller tout mon week-end à attendre qu'il y passe ? pour le soulager ? pour lui ou pour moi ? mon deuil, en tous cas, a été beaucoup moins "facile". Parce qu'il était jeune, parce que c'était moche. Parce que ça a été vite. Parce que le temps de sa mort a été trop instantané.

 

Nos vétos ne s'y trompent pas, qui nous proposent, avant, après, de "rester" avec eux, de prendre un moment, autour de la fraction de seconde de l'injection, de la porte sans épaisseur entre "vivant" et "mort". Parce que le deuil a besoin de ce temps, aussi.

 

Je crois que ce sont les deux éléments centraux de ma réflexion : la temporalité d'une part, qui fait que nous pensons la mort comme un instant plutôt qu'une durée, et ne savons peut-être pas assez souvent accompagner le processus de la mort dans une douceur et une affection inconditionnelles et libérées de tout le reste, de toute précipitation, de tout jugement sur l'intention de vivre de notre animal et de nos propres projections sur elle et sur la valeur de la vie ; et la radicalité qui fait que si on accepte l'idée même de l'euthanasie (du fait que nous avons le droit et la responsabilité de décider de la mort de nos animaux), la question du "bon moment" n'a plus de réponse morale.

 

(Désolée pour le mal de crâne et merci à ceux qui m'ont lue !)

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Je ne te comprends pas, Arte , pas sur ce coup là.

 

L'agonie est l'état vers la mort inéluctable. La mort est le passage de vie à trépas. Par essence, c'est un moment, pas une durée.

 

Je pense que la question c'est "quelle durée d'agonie est acceptable" (en prenant agonie comme un terme non péjoratif)

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Je pense ressentir la même chose qu'Artefact.

Pour moi il y a parfois un chemin à faire, cela prend plus ou moins de temps, comme descendre une pente plus ou moins raide. Cela ne veut pas dire qu'il y a souffrance physique ou psychologique, que je considère comme implicite dans le mot agonie.

La souffrance physique, on peut se donner les moyens de la combattre, mais cela peut devenir contraignant. Si nous ne nous en sentons pas capables, il ne faut pas le faire. En ce qui me concerne, j'accepte cet engagement que je ne considère pas comme un fardeau, mais comme une évolution normale de la vie de tous les jours. Il y a probablement un biais parce que je garde mon regard de soignant envers mes animaux.

A mes yeux, l'euthanasie n'est que le geste ultime de cet accompagnement qui a pu durer plusieurs semaines. Je ne le considère pas comme obligatoire, il fait simplement partie de ma "panoplie".

 

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Je pense que ce n'est pas aussi strict. Parfois, la mort est une durée. Il m'est effectivement arrivé de regarder un rat et de savoir que le temps était compté, rien qu'à observer un "je-ne-sais-quoi" dans son attitude. Et si nous le voyons, eux le savent aussi, j'en suis sûre.

Mais à l'inverse, j'ai vu des rats mourir en une fraction de seconde. Je pense particulièrement à un de mes rats qui a fait une crise cardiaque. Il montait dans son hamac et pouf, il est tombé sur le dos, pattes en l'air.

Le premier cas ne m'a pas paru plus difficile ou facile que le second.

Mon véto me dit la même chose à chaque euthanasie quand je chiale et lui dis que les rats, c'est nul: "la vie, c'est une condamnation à mort". Il est philosophe, mon véto.

 

Pour ce qui est de la comparaison avec le culling, je râle un peu :)

Il ne me semble pas comparable l'euthanasie d'un animal en mettant son bonheur, sa santé précaire et sa non-souffrance en premier paramètre et l'euthanasie d'un animal sans raison de santé valable, juste par facilité (quelques soient les arguments, c'est ni plus ni moins que ça selon moi).

En fait, je pense que le sujet de l'euthanasie est trompeur. On peut se demander pour qui on le fait. Est-ce que ce rat sera euthanasié parce que nous même n'en pouvons plus de voir cet animal dépérir, notre compagnon devenir une loque ? Où est-ce qu'on le fait pour lui, parce qu'il n'y a plus rien à faire et que sa souffrance sera intolérable ? Ne serait-ce que l'impossibilité de se nourrir ou se déplacer par ses propres moyens, je pense que c'est une forme de souffrance morale pour un animal.

En soi, il n'y a pas de réponse juste...

Je ne blâmerais pas quelqu'un pour l'une ou pour l'autre.

 

 

Pour ce qui est du désir de vivre, ça a été relevé par une équipe de chercheurs dans une expérience assez cruelle consistant à noyer des rats en les laissant nager dans de l'eau jusqu'à épuisement. Les rats que l'on "sauvait" de la noyade, ne serait-ce que quelques secondes, avant de les y replonger nageaient bien plus longtemps avant de mourir que ceux que l'on ne "sauvait" pas.

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